
L'affaire des OGM
Autorisation de mise en culture de l’OGM Novartis – Application du principe de précaution – Compétence liée des États membres pour autoriser la mise sur le marché d’un OGM validée par la Commission.
Présentation de l'affaire par Corinne Lepage
Dates clés
- Conseil d’État, sect., 25 septembre 1998, Association Greenpeace France, req. no 194-348
- CJCE, 21 mars 2000, Association Greenpeace France et autres c/ Ministère de l’Agriculture et de la Pêche, aff. C-6/99
- Conseil d’État, 22 novembre 2000, Association Greenpeace France et autres, req. n° 193-348 et autres
Le cas
Par une première décision en date du 25 septembre 1988, le Conseil d’État, faisant pour la première fois application au domaine de la santé environnementale du principe de précaution, ordonnait le sursis à exécution de cette décision, puis, par un deuxième arrêt en date du 11 décembre 1988, saisissait la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle sur le point de savoir si lorsque la Commission avait délivré un avis favorable, l’autorité compétente de l’État membre était obligée de délivrer le consentement écrit permettant la mise sur le marché du produit. Par arrêt en date du 21 mars 2000, la Cour de justice avait interprété la directive 90/220, en ce sens que, si la Commission avait pris une décision favorable l’autorité compétente était tenue de délivrer le consentement écrit permettant la mise sur le marché du produit. En revanche, si entre-temps l’État membre avait disposé de nouveaux éléments d’information qui lui permettaient de considérer que le produit pouvait présenter un danger pour la santé humaine et l’environnement il pouvait ne pas donner son consentement à condition d’en informer la Commission. De plus, si la juridiction nationale considère que des irrégularités ont été commises dans l’examen de la notification par l’autorité nationale compétente, il doit saisir la Cour à titre préjudiciel, s’il estime que ces irrégularités sont de nature à affecter la validité de la décision favorable de la Commission.
En appliquant cet arrêt qui créé donc une compétence liée au détriment des États membres, le Conseil d’État par arrêt en date du 22 novembre 2000 a jugé que le gouvernement français est obligé en l’absence d’éléments nouveaux de délivrer son consentement écrit. Les critiques adressées par les requérants à la régularité de la procédure ayant précédé la transmission du dossier à la commission des communautés européennes ne pouvaient avoir affecté la légalité de la décision.
La portée de ces décisions
L’intérêt actuel de ces décisions
Mais le débat est également d’ordre démocratique, et ce, à double titre. D’une part, la volonté de la Commission d’imposer aux États membres la commercialisation et plus encore la mise en culture de produits très controversés est éminemment discutable. Cette situation a conduit la deuxième commission Barroso a modifié la directive 2001/18/CE pour permettre aux États membres de refuser expressément la mise en culture d’OGM pourtant autorisée par la Commission. Autrement dit, la loi est revenue sur ce que la jurisprudence avait décidé. D’autre part, la question des OGM a mobilisé une grande partie de la population européenne qui n’en voulait pas et ne comprenait pas que cette mise en culture considérée comme parfaitement inutile et potentiellement dangereuse puisse lui être imposée. Rappelons que l’immense majorité de la population européenne refuse les OGM.
Aujourd’hui, l’idée de développer les OGM en Europe est abandonnée. Mais, l’agro-industrie des semences a repris le sujet sous une autre forme, celle dite des nouveaux OGM, dont elle a obtenu jusqu’à présent qu’ils ne soient pas soumis à la directive 2001/18/CE. Bis repetita. Le Conseil d’État a saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle à ce sujet…