La CIJ rend un avis historique affirmant que les États ont l'obligation légale de réduire leurs émissions et de protéger le climat
- Huglo Lepage Avocats

- 23 juil.
- 3 min de lecture
Lise-Hélène Gras, Juriste documentaliste
La Cour internationale de Justice a rendu un avis consultatif historique le 23 juillet par lequel
elle a affirmé à l’unanimité que les États qui manquent à leurs obligations climatiques
découlant du droit international commettent un acte « illicite » engageant leur responsabilité et
ouvrant la voie à d’éventuelles réparations. L’avis souligne que le dérèglement climatique
constitue une « menace urgente et existentielle » dont les effets « graves et de grande ampleur
[…] affectent à la fois les écosystèmes naturels et les populations humaines ».
Cette décision constitue l’aboutissement d’une démarche engagée dès mars 2023 à l’initiative
du Vanuatu. L’Assemblée générale de l’ONU avait saisi la CIJ de deux questions : Quelles
sont les obligations juridiques des États pour protéger le climat, aujourd’hui et demain ?
Quelles sont les conséquences juridiques s’ils y manquent, notamment vis à vis des pays les
plus exposés ?
L’avis, unanimement adopté, établit un cadre juridique articulé autour du droit international
coutumier, des droits humains, du droit de la mer et de traités majeurs tels que la
Convention cadre de 1992, le Protocole de Kyoto (1997) et l’Accord de Paris (2015). Ces
traités relatifs aux changements climatiques « imposent aux États parties des obligations
contraignantes relativement à la protection du système climatique et d’autres composantes de
l’environnement contre les émissions anthropiques de gaz à effet de serre » Selon la CIJ.
Ainsi, les États ont des obligations strictes de protéger le système climatique, au bénéfice des
générations présentes et futures.
Il est affirmé dans cet avis que la complexité de la crise climatique ne saurait servir de
prétexte à l’inaction. Tout d’abord l’obligation de prévention impose aux Etats d’agir avec la
diligence requise par des mesures « appropriées », « conséquentes », « rapides » et « durables »
pour réduire les émissions de gaz à effet de serre. Le principe de précaution est ensuite
pleinement affirmé : « L’absence de certitude scientifique absolue ne doit pas servir de
prétexte ».
La portée de l’avis va au-delà de la prévention : il consacre la possibilité de demander des
réparations. Il rappelle que la violation de ces obligations constitue « un fait
internationalement illicite engageant la responsabilité » des Etats et pouvant entraîner « la
réparation intégrale du préjudice subi par les Etats lésés sous forme de restitution, de
compensation et de satisfaction ». Cependant, un lien de causalité direct et certain devra être
établi entre l’acte illicite et le préjudice invoqué : un défi juridique complexe, mais « pas
impossible » selon les juges.
Autre point majeur : ces obligations ne découlent pas uniquement des traités multilatéraux.
Elles relèvent aussi du droit coutumier international, et s’imposent donc à tous les États, y
compris ceux qui ne sont pas parties aux grands accords climatiques. La CIJ insiste par
ailleurs sur l’importance d’une coopération « soutenue et continue » entre Etats afin de
prévenir les dommages significatifs au système climatique au moyen de financements,
transferts de technologies et de soutien aux pays les plus vulnérables.
Même si l’avis n’est pas juridiquement contraignant, il aura un effet normatif considérable.
Avec près de 3 000 contentieux climatiques en cours dans une soixantaine de pays, les juges
nationaux et régionaux disposent désormais d’une base juridique renforcée pour contraindre
les gouvernements à agir. Pour le Vanuatu, il s’agit d’une victoire politique et morale. Le
secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a quant à lui salué « l’avis consultatif
historique » de la CIJ qui « a clairement indiqué que tous les États sont tenus, en vertu du droit
international, de protéger le système climatique mondial […] une victoire pour notre planète,
pour la justice climatique et pour le pouvoir des jeunes de faire bouger les choses. »
(Communiqué de presse, Nations Unies, 23 juillet 2025)
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