Omnibus : Le Parlement européen adopte le compromis sur les directives CSRD et CS3D
- Huglo Lepage Avocats

- il y a 1 jour
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Lise-Hélène Gras, Juriste documentaliste
Le 13 novembre, une alliance inédite entre la droite du Parti populaire européen (PPE) et l’extrême droite a permis l’adoption au Parlement européen d’amendements, dans le cadre du projet de loi omnibus, remettant en cause la CSRD relative au reporting de durabilité et la CS3D portant sur le devoir de vigilance.
S'agissant tout d’abord de la CSRD, le seuil d’applicabilité passe à 1 750 salariés et 450 millions d’euros de chiffre d’affaires, excluant près de 92 % des entreprises initialement visées. Par ailleurs, l’obligation pour les grandes entreprises de se doter d’un plan de transition climatique détaillé est purement supprimée.
Pour ce qui est de la CS3D, les seuils sont portés à 5 000 salariés et 1,5 milliard d’euros de chiffre d’affaires, limitant drastiquement le nombre d’entités concernées. Le régime de responsabilité civile européenne, qui devait garantir un accès à la justice pour les victimes de violations des droits humains ou environnementaux, est par ailleurs annulé sans clause de révision, de même que l’obligation pour les entreprises d’adopter et de mettre en place un plan de transition climat, obligation en revanche maintenue dans la CSRD.
Enfin, l’ensemble des obligations liées aux chaînes de valeur est affaibli, ce qui réduira la pertinence et l’exhaustivité des futures informations de durabilité publiées par les multinationales. Enfin, en cas de non-respect des grandes entreprises de leurs obligations de diligence, la pénalité de 5 % du chiffre d’affaires est retirée du texte contre un montant fixé à discrétion des États membres.
Les experts redoutent désormais un effet domino et les « répercussions dévastatrices » de cette révision pour l’économie, la société et même les fondements démocratiques de l’Union, dans un contexte où les États-Unis et la Chine cherchent à accroître leur influence.
Or, en affaiblissant la CSRD et la CS3D, l’Europe retire aux entreprises un cadre clair pour piloter leurs risques et leur transition, les laissant plus seules dans un contexte où les enjeux ESG deviennent décisifs. Selon une étude Tennaxia de 2025, les chiffres montrent que la dynamique est déjà lancée : 83 % des entreprises qui sortiraient du champ de la CSRD comptent publier un rapport ESG, 89 % y sont poussées par leurs partenaires économiques, et près de la moitié voient le devoir de vigilance comme un levier de compétitivité.
Autrement dit, le recul réglementaire n’efface ni les attentes du marché, ni les exigences de la réalité climatique et géopolitique. Il marque un tournant où chaque entreprise doit choisir sa voie : considérer la durabilité comme une contrainte ou comme un atout stratégique. Celles qui continueront d’investir dans la transparence, l’anticipation des risques et la transformation de leur modèle seront les mieux armées pour affronter un monde plus instable. Les autres s’exposent à une fragilité croissante.
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