L’affaire du parc de la Camargue, la Société Nationale de Protection de la Nature (SNPN) et le promoteur

L’affaire du parc de la Camargue, la Société Nationale de Protection de la Nature (SNPN) et le promoteur immobilier

Comme on le sait, la Camargue est une aire protégée sous le statut de réserve naturelle et surtout de parc national.

Sa gestion a été confiée à la Société de Protection de la Nature rattachée au Museum d’histoire naturelle de Paris.

Dans les années 1970, un promoteur immobilier déposa auprès de l’administration un programme de petites villas assez important au lieu dit « les Jasses de la Sauvagine ».

Pour attirer le client, ce promoteur eut l’idée de faire publier une magnifique brochure dans laquelle il était indiqué « Venez chassez et pêcher dans les Jasses de la Sauvagine » la plus grande réserve naturelle d’Europe.

Évidemment, comme on le sait, la pêche et la chasse sont interdites, sauf exceptions, dans les parcs et les réserves.

Il s’agissait là d’un cas topique de publicité mensongère dont la SNPN s’est évidemment émue.

Le cas

S’insurgeant contre une telle désinvolture vis-à-vis de la protection de nature, une procédure fut engagée consistant en le dépôt d’une plainte avec constitution de partie civile devant le Juge d’instruction. Celui-ci conclut rapidement à l’inculpation des personnes concernées et leur renvoi devant le Tribunal Correctionnel. Et c’est là que cette affaire présente un intérêt assez exceptionnel.
En toute logique, pour tout professionnel averti de ce genre de dossier et d’inculpation, l’instruction à l’audience ne devait être que assez formelle et assez courte. Il suffisait au Juge de constater les éléments matériels et intentionnels du délit pour permettre l’entrée en voie de condamnation après avoir accueilli les conclusions de la partie civile qui étaient d’ailleurs assez modestes puisqu’il ne s’agit en définitive que d’un préjudice moral.
Le Président du Tribunal prit à cœur son dossier et démonta pendant trois heures d’audience la totalité du programme immobilier en vérifiant toutes les données du dossier immobilier et de la vente en l’état futur d’achèvement en décelant à droite et à gauche tous les défauts, tous les vices du dossier, toutes les erreurs, toutes les imprécisions.
On n’était plus dans un procès correctionnel mais dans un procès d’assises !
Il y eut une condamnation à prison ferme et bien entendu la Cour d’Appel leva la condamnation en prononçant le sursis.

Les enseignements

Pourquoi s’être intéressé à cette affaire, pour une raison très simple c’est que d’abord, il s’agit du premier cas de jurisprudence concernant les limites du droit de la concurrence face au droit de l’environnement.
C’est un premier point que l’on va retrouver dans de nombreux procès sur les phosphates, les lessives et dans d’autres affaires qui iront jusqu’à l’OMC.
En second lieu, on ne sait jamais lorsque l’on ouvre une procédure comment cela peut se terminer. Bien entendu, la partie civile n’avait pas prévu un tel développement d’audience et un tel débordement du sujet.
Cela montre que le Juge pénal saisi essentiellement sur les faits, peut aller, s’il le souhaite, extrêmement loin, ce qui montre d’ailleurs toute l’utilité de saisir le Juge répressif en matière d’environnement.
En général, si vous souhaitez effectivement engager un procès de pollution d’une rivière, vous devez rapporter des preuves qui ne sont pas suffisantes même si elles sont présentées par Huissier.
Il faudra expliquer en cas de pollution des eaux que la rivière n’était pas polluée avant le point de rejet, et que tel jour à telle heure il y a eu un déversement effectivement nocif qui était de nature à nuire à la vie du poisson, à sa valeur alimentaire ou sa reproduction, comme l’indiquent les textes.
Grâce à son pouvoir inquisitionnel, le Juge répressif reste aussi et surtout le plus efficace en matière d’environnement (voir en particulier l’affaire Erika).