La fracturation hydraulique devant le Conseil Constitutionnel et le droit à l’intervention dans la procédure constitutionnelle des collectivités publiques

La fracturation hydraulique devant le Conseil Constitutionnel et le droit à l’intervention dans la procédure constitutionnelle des collectivités publiques

Une Société américaine, la Société SCHUEPBACH ENERGY LLC, avait obtenu deux permis de recherche d’hydrocarbures au moyen de la fracturation hydraulique.

Devant l’émotion nationale provoquée par cette technique pleine de risques (voir notre article « Fracturation hydraulique et droit constitutionnel environnemental, un mélange détonnant », JCP Ed. G. 16 Septembre 2013, p. 1693 et s.), le législateur avait adopté une disposition interdisant le recours à cette technique.

Le cas

Les autorisations de permis de recherche exclusifs avaient été suspendues puis finalement abrogées par décision du Ministre de l’Ecologie et de l’Industrie. La Société s’était pourvue devant le Tribunal Administratif et avait soulevé une question prioritaire de constitutionnalité relative à la conformité à la Constitution et plus précisément à la Charte de l’environnement et aux droits garantis par les articles 16 et 17 de la Déclaration des droits de l’homme et des dispositions législatives faisant obstacle à son activité.
De nombreuses parties sont intervenues en défense de la position gouvernementale et en particulier la Région Ile de France.
L’arrêt rendu par le Conseil Constitutionnel a notamment permis à celui-ci d’apporter des précisions concernant le régime de l’intervention volontaire et l’invocabilité des articles 5 et 6 de la Charte de l’environnement (voir Conseil Constitutionnel n° 2013-346 QPC, 11 Octobre 2013, Société SCHUEPBACH ENERGY LLC et Obs. Mamoudy, précisions sur le régime de l’intervention volontaire et l’invocabilité de la Charge de l’environnement dans le cadre de la QPC, les Petites Affiches 19 Décembre 2013 n° 253, p. 12).
La lecture de la décision du Conseil Constitutionnel montre que celui-ci, d’ailleurs sans avoir recours à l’expertise, s’est essentiellement fondé sur le bien fondé du principe de prévention que l’on retrouve derrière la loi du 13 Juillet 2001.
Il a écarté de ce fait, comme inopérants, les arguments tirés de la violation du principe de précaution.
La question qui est centrale ici est celle de la procédure devant le Conseil Constitutionnel notamment lorsqu’il y a une requête en intervention.
La lecture de la procédure montre que c’est une décision non motivée, non contradictoire du Conseil Constitutionnel présentée comme telle par le Secrétaire général du Conseil Constitutionnel à l’époque.
Pourtant, l’intervention se justifiait particulièrement puisque comme on le sait, aux termes de l’article 5 de la Charge de l’environnement, les collectivités publiques ont le devoir de veiller à l’application du principe de précaution.
Une Région n’est pas une simple Association ou un simple particulier, elle a vocation incontestable à défendre l’application de ce principe lorsque celui-ci est en cause.
Aucun un recours contre cette décision n’est rendu possible par la procédure devant le Conseil Constitutionnelle.
Encore faut-il que cette décision existe et qu’elle soit une décision délibérée ce qui ne semble pas avoir été le cas dans l’espèce actuelle.
Il y a là un défaut manifeste de procédure dès lors qu’il n’y a aucune possibilité de débat sur l’admissibilité des interventions.

Les enseignements

On rappellera que dans la procédure administrative, la question de la recevabilité est toujours examinée avec le fond ; elle est admise ou non admise mais en tout cas, le requérant intervenant peut aller jusqu’au bout de la procédure dès lors qu’il s’est associé aux conclusions en défense ou aux conclusions en annulation, ce qui était le cas dans l’espèce actuelle puisque la Région soutenait la position du Gouvernement.
A cela s’ajoute une deuxième observation importante.
Le Conseil Constitutionnel en matière d’environnement est saisi de dossiers techniques notamment les affaires d’OGM assez complexes ont fait en leur temps l’objet d’un examen par le Conseil Constitutionnel dans un sens favorable d’ailleurs au principe de précaution.
Mais, dans ces affaires techniques, on ne trouve nulle part de discussion sur la base d’expertise.
Chacun sait que les débats sont relativement informels devant le Conseil Constitutionnel, les Avocats ne disposant que de quelques minutes pour s’exprimer et aucun dialogue, semble-t-il, pendant très longtemps ne s’est établi entre les Juges et les Avocats.
Une instruction à l’audience par le Rapporteur peut apporter beaucoup d’éclaircissements.
Tel n’était pas le cas jusqu’à cette décision.
Il ne faut pas s’étonner dans ces conditions que le recours à la question prioritaire de constitution n’ait pas obtenu le succès envisagé par le réformateur de la Constitution.
Le contentieux environnemental, faut-il le rappeler, est toujours un contentieux technique d’une part et d’autre part, implique de nombreuses d’interventions et généralement de nombreux avis et donc en procédure, très souvent l’intervention de parties très différentes qui peuvent être des Associations mais qui peuvent également être des collectivités publiques.
L’idée de recourir à une autorité chargée de donner un avis au titre de ce que l’on appelle l’amicus curiae permettrait d’arriver à élaborer un véritable débat.
On a pu penser que le Conseil Constitutionnel pourrait aller plus loin en matière d’environnement qu’un simple contrôle qui s’apparente à un contrôle du Juge de l’excès de pouvoir.
Il ne faut pas s’étonner, dans ces conditions, que les questions prioritaires de constitutionnalité n’affluent pas au Conseil Constitutionnel.