Pour que le débat public sur la PPE ne soit pas au rabais, la société civile doit agir
La commission particulière du débat public sur la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) a rendu publiques hier les modalités de ce débat dont le moins qu’on puisse dire est qu’il ne se présente pas sous les meilleurs auspices.
Tout d’abord, et avant tout il faut se réjouir qu’un débat public organisé sous la houlette de la commission nationale du débat public autour du thème central qu’est l’énergie. Ce sujet intéresse tous les Français, tous les secteurs économiques, et pas seulement ceux dont le marché est celui de l’énergie.
Il s’agit de débattre de la PPE entre 2019 et 2025. Le sujet est majeur car la période est cruciale et s’étend au-delà du quinquennat. Le sujet est délicat dans la mesure où le mix énergétique qui figure dans la loi sur la transition énergétique a été remis en cause politiquement par le Président de la république et le ministre d’État chargé de la transition écologique. Remis en cause politiquement car tant que la loi n’est pas modifiée, c’est bien l’objectif fixé dans la loi qui est le seul légal. Il existe donc une grande incertitude qui, malheureusement, n’est pas levée à ce jour.
Or, on aurait pu penser que l’État et EDF veuillent jouer le jeu et donner au débat public tous les moyens de débattre intelligemment et sereinement autour des grandes lignes d’un projet. Il n’en est rien. En effet, il suffit de consulter la liste des documents soumis aux débats et énumérés par Jacques Archimbaud, président de la commission particulière, pour constater que rien de sérieux n’est mis au débat : l’ancienne PPE, les engagements internationaux de la France et des études ou des comptes-rendus de réunion, éléments pour le moins vagues et ne permettant pas de débattre sur des orientations sérieuses. En réalité, l’agenda est fait pour vider le débat public de tout intérêt puisque le projet TPE ne sera présenté qu’une fois le débat terminé. On est à front renversé, mais pour les mêmes raisons, avec le débat public qui avait précédé l’EPR de Flamanville où la décision avait été prise avant le débat public pour éviter tout débat public. Ici le projet ne sera présenté qu’une fois le débat public terminé pour être bien sûr que ce débat ne puisse en réalité être d’aucune portée pratique puisqu’il n’aura pas concerné le projet lui-même.
Au moins aurait-on pu penser qu’un état des lieux précis de la situation actuelle de la France et des pays voisins sur le plan énergétique – qui dépasse bien évidemment le plan électrique – soit mis au débat pour servir de point de départ. Cet état des lieux, qui devrait être objectif, devrait s’intéresser non seulement la production mais également à la consommation c’est-à-dire aux usages dont les changements doivent contribuer à réduire sensiblement la consommation énergétique en complément des efforts faits pour assurer une meilleure isolation des bâtiments.
À défaut du bon vouloir d’EDF et de l’État, il faut donc espérer une mobilisation de la société civile, à commencer par les nombreuses associations qui travaillent dans le secteur énergétique et les entreprises qui souhaitent voir développer en France l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables pour fournir une base de discussion correcte au débat qui ,certes, ne doit pas se focaliser uniquement sur la question de la part du nucléaire mais qui ne peut pas, comme le rêveraient certainement les auteurs du projet de PPE, faire abstraction du sujet. Le bilan prévisionnel de RTE paru à la fin de l’année 2017, fort de ses 400 pages, donne des indications très intéressantes sur les différents scénarios possibles même si certaines présentations sont biaisées ou tout au moins ignorent les réalités de coût, de la situation financière d’EDF et considèrent comme souhaitable la progression d’électrification du chauffage, ce qui est une catastrophe hexagonale tant au niveau macro qu’au niveau micro-économique.
Profitons de ce débat public pour ouvrir effectivement le débat – toujours interdit en France – de la poursuite ou non d’un programme nucléaire après la fermeture des réacteurs actuels, de la réponse adaptée au risque majeur que constitue la situation financière d’EDF, de la sortie du déni de réalité qui consiste à continuer de faire croire que le choix nucléaire est un choix économiquement viable.
Corinne LEPAGE
Avocate à la Cour
SAS HUGLO LEPAGE AVOCATS